Laurent Fabius ou l'art politique
Très contrarié par les différents reportages diffusés lors de l'émission, Laurent Fabius ne souffre guère qu'on lui rapelle son parcours contradictoire. Après avoir longtemps incarné l'aile droite du PS, il fréquentera l'aile gauche et prendra la décision de voter non au référendum de 2005 (sur le traité établissant une constitution pour l'Europe) alors que son parti s'était prononcé pour le oui. Aujourd'hui, devenu un des artisans de la victoire (contestable (?) ) de Martine Aubry au congrès de Reims du parti socialiste Fabius est à nouveau au centre du PS ; faisant fi de ses positions précédentes le voilà qui lorgne sur une candidature de Dominique Strauss Khan. Idéologiquement, ses positions sont inconcevables. Pourtant, il s'agit moins de contradictions idéologiques (car des idées il en a et souvent intéressantes) que d'une constance personnelle dans la stratégie individuelle de la conquête du pouvoir. Il est le parangon de ce qu'est la politique : une école de rhéteurs. Peut-être que la conquête du pouvoir est-elle plus grisante encore que le pouvoir même pour les rhéteurs de ce siècle. Ils passent bien plus de temps à le conquérir qu'à l'exercer de toute manière. À travers Laurent Fabius, on ressent à quelque point la rhétorique est un exercice intellectuel jubilatoire : les joutes d'esprit, la dialectique, la maîtrise de la sentence, l'emploi de l'ironie. La politique est un art.
La politique est l'occupation intellectuelle de cette haute bourgeoisie qui s'ennuie. Son intelligence, très grande, est au service de ce grand vide. Sans doute que le problème aujourd'hui est que le peuple s'ennuie à son tour de l'ennui de ses représentants et qu'un décalage ne cesse de croître entre les aspirations du peuple et les hommes et les femmes qui prétendent les incarner.
On a l'impression que la politique est devenue l'art de philosopher sur son impuissance ou cet immense bavardage sur un monde impossible.
Est-ce pour cette raison que Laurent Fabius se décrit lui même comme un "sage actif" ?