Une tige où le vent vagabond se repose. D'Israël. Facebook

Publié le par Le petit homme

Vendredi 26 Février




La tempête de cette nuit a eu raison de mon sommeil. Dans ce grand internat mal isolé, les portes se sont mises à claquer, les murs à vibrer, les stores à danser, et mes yeux jamais ne se sont fermés. Nouvelle insomnie. Troisième dans la succéssion du nom. Insomnie III, je te hais. J'ai les nerf à vif. Je ne distingue plus le jour de la nuit.

  Insomnie II m'avait amené à penser à Israël. Avant de dormir, du moins le croyais-je, un collègue, Karim m'a donné le magazine Marianne dans le quel un long article traitait de la société israélienne, j'ai lu ce magazine. On n'apprend que la culture israélienne est en ébullition. Les questions d'identité prennent naturellement une grande place dans la création. Identité, trouble, inquiétude, désarroi, espoir. Un intellectuel disait qu'Israel était un pays passionnant car il était de ceux qui était en train de vivre une déconstruction intellectuelle. Israël désapprend sur lui-même, réfléchit à son mythe fondateur qu'est le  sionisme. Même l'hébreu, renaissant avec le pays,  va lui aussi participer au concert des langues, s'enrichir. Les mots vont aussi traduire la vision singulière de ce pays qui m'est si cher. Israël est selon moi le pays le plus intéressant sur la question de l'identité, de son rapport à l'autre. Il est presque un pays apatride. Un pays pour lequel tout le monde se focalise sur ses limites, ses frontières alors qu'elles sont mobiles, désespérantes, fascinantes. Elles ressemblent à leur pays, trouble, confus, entêté. Les frontières d'Israël bien que les plus contestées du monde sont aussi les plus célèbres. Israël est une mise en abyme de la nature humaine. Personne ne le voit, personne ne le dit, tous sont englués à prendre position dans le conflit israélo-palestinien mais jamais ils ne regardent, ne s'enthousiasment de ce que le génie des hommes dans ces territoires  à s'acharner à grandir leur existence, à sortir d'eux-mêmes.


*

Pour donner un peu de lecteurs à ces petites chroniques, j'ai ouvert une page facebook. La photo du profil est un peu racoleuse, comme mes rares lecteurs peuvent le constater, j'ai mis une photo où je suis presque nu, la main seulement dissimulant mon sexe. Bien sûr, cette page facebook est un peu vaine puisqu'elle ne comporte quasiment que des amitiés facebookiennes gay. Autant dire que les mecs, certainement à juste titre, ne s'intéressent guère à toi, ne t'en déplaise, petites chroniques. Attirés par la photo, ils désirent  plus une rencontre réelle que lire chaque jour les déboires, joies et petites pensées intellectuelles du Petit Homme. Et comme cela est une pente inhérente à tout journal, les doléances s'accumulent qui  dessinent un caractère et des pensées sous un jour sans doute plus défavorables qu'il ne l'est en réalité. Dans la semaine, je n'ai pu m'empêcher de demander une amitié facebookienne avec mon doux médecin qui restait jusque-là muet comme une carpe. Petite précision, la photo du profil ne fait pas apparaître mon visage (David ne m'a sans doute pas reconnu). Bien entendu, ce visage absent est déjà une première entorse au règlement de ces petites chronniques : faire jaillir la vérité, la vérité de ma vie, du moins, chers lecteurs, peu nombreux, mais pour qui le pacte de lecture reste cependant le même, l'authenticité. Hier mon doux médecin m'a envoyé (non pas à moi, mais au Petit Homme en réalité) un message laconique :

-C'est qui ?

Naturellement si je lui dévoilais mon identité, je craindrais que le pire soit à l'œuvre; il décrétera sans doute que je suis un taré mental pour lequel aucune  correspondance n'aurait un sens. Une sorte de schizophrène qui n'a rien trouvé de mieux que d'inventer mille identités virtuelles pour permettre à toutes ses petites voix d'exister... aurait-il tort ? non, sans doute ... Je suis enchevêtré dans une histoire qui risque de me plonger de nouveau dans le ridicule, éloignant ainsi  le désir sincère que j'ai à rencontrer cet homme. Qu'on me comprenne bien, si cela est encore possible après ce que je viens de dire, cet homme ne m'intéresse pas plus que ça, je veux dire je peux vivre sans lui. Alors pourquoi s'accrocher à ce point, es-tu tenté de me rétorquer "petites chroniques" à quelqu'un pour qui tout cela risque de tourner pour moi à la plus ridicule des situations ? Pour tout avouer, j'ai le sentiment qu'une rencontre peut se faire de trois manières possibles. La première est le fruit de la contingence : voisin, collègue de travail, etc... La deuxième est qu'une rencontre se fait, par hasard, dans une soirée, au théâtre, dans un bar, à laquelle vous n'y étiez pas spécialement préparés mais qu'une complicité spontanée se crée, mais vous étiez secrètement en quête. La dernière, et c'est le cas avec cet homme que j'ai décidé de nommer ici David (tous les prénoms sont changées pour respecter l'anonymat),  c'est l'élection. Une élection, a priori, sans fondement,  voire arbitraire, mais qui dans l'exercice de la vie se trouve valoir tous les autres types de rencontres. Tout simplement qu'une inclinaison particulière du regard ou bien le trait particulier d'un visage, le timbre d'une voix, le contour d'une silhouette répondent, sans qu'on sache vraiment pourquoi et à quoi, à tout un univers qui vous est familier et qui vous attire. Lecteur, je sens ton impatience à m'expliquer qu'il suffirait simplement et expressément que je  dise vouloir le rencontrer au lieu d'établir tous ces petits mystères d''adolescents. Soit ! mais je te rappelle que nous avions quelque fois échangés sur un site gay et que j'avais cru, naïvement, qu'une rencontre allait voir le jour, d'ailleurs sans arrière pensée, ou bien alors, David n'était  sur ce site que parce qu'il  avait des idées derrières les reins (non pas que je n'en avais pas non plus, mais ce n'était un but en soi), et que ne figurant pas dans ses modèles-types de garçon il n'était pas plus motivé que ça à vouloir me rencontrer. Pour qu'il y ait du plaisir sans doute faut-il une part de désir ? et puis, cher lecteur,  je préfère mille fois plus les chemins de traverse qu'une ligne droite durant laquelle le paysage est moins varié, moins poétique, moins créatif, moins surprenant, mais je l'avoue plus difficile et sans doute contre-productifs in fine.

Un lecteur : soit ! mais dis-lui directement.  S'il ne répond pas, à quoi bon s'entêter dans une rencontre qui est dès son début ennuyeuse, compliquée, retorse.
Moi : Tu as sans doute raison, mais c'est plus fort que moi ...
  Un lecteur : Ne serais-tu pas un peu orgueilleux ? car s'il ne démontre aucune volonté de te rencontrer, cela ne deviendrait-il pas une espèce de défi un peu vain à vouloir y parvenir malgré tout?
-Moi: ... Oui ! oui ! oui ! mille fois oui !
 Mais non.
  Un lecteur : Mais non ?
Moi : Ben oui. J'ai quand même le droit d'avoir simplement envie de le rencontrer. Non ?
  Un lecteur : Tu as tout à fait raison. Tu en as  le droit, tout aussi respectable que le sien, de ne de pas le vouloir.
Moi : Brrr ...

De toute manière s'il me lisait ici, il comprendrait qu'il aurait affaire avec ...le Gollum du seigneur des anneaux !  Que peut valoir un type qui discute avec son propre journal ?

-Oui, mon précieux. (sic)

À moins que mon grand fantasme, inconscient, le plus secret, soit le désir d'être humilié...

Je suis tenté de répondre au message c'est qui par ce petit poème La môme enfant de Jean Tardieu (à imaginer avec une voix de marionnette, aiguë, cassé, cassante, édentée, selon les indications du poète lui-même):

Quoi qu'a dit ?
- A dit rin.

Quoi qu'a fait ?
- A fait rin.

À quoi qu'a pense ?
-A pense à rin.

Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?

- A 'existe pas



*

Soirée agréable avec Nicolas. De tous mes amis, il est celui avec qui je partage le plus d'affinités théoriques sur la conception que je me fais de la vie. Je lui ai parlé de David et de ma demande facebookienne. On est arrivé à la conclusion suivante : ne plus rien faire.  Quand j'ai décidé de publier sur internet l'objectif premier était de ne pas être lus par mes proches ou connaissances les plus éloignées. Car à lueur d'une expérience passée, une telle démarche avait fini par me bloquer. La publication de ce journal est quasiment quotidienne.  Dès lors, par le passé,  certains cédaient à la tentation de commenter telles ou telles choses que j'avais écrites les concernant. J'entrais alors dans des justifications décourageantes et je finissais par me censurer pour éviter justement ce genre de problèmes. Avec ce nouveau journal, je voulais dans un premier temps éviter ce genre d'écueils. Mais si j'en viens à attirer l'attention de David, très vite, les gens finiront par savoir qui je suis, ce qui n'est pas un problème dans l'absolu, mais ça le deviendrait à cause de la  quasi simultanéité de mes écrits et de leur publication. Aucun recul ne serait alors possible, et je redeviendrai de nouveau l'objet de critiques et ainsi d'auto-censures. Tout journal est par nature  l'ennemi de l'harmonie des relations sociales.





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