Des rêves

Publié le par Le petit homme

Mardi 9 février, le matin

 

 

 

 


Hier soir, avec mon voluptueux Tahar, mon ami saoudien, nous avons regardé star wars. L'échec des deux maîtres jedi a enrayé la prise de pouvoir des sith me fait tellement penser à la société actuelle. Quel déchirement de voir Yoda reconnaître son échec et partir en exil. J'ai mille fois l'impression qu'il s'agit de notre monde actuel, de son effondrement intellectuel, de la dérive sécuritaire. Heureusement qu'il reste le web, ce ciel de liberté, mais pour combien de temps encore ?
Après le film Tahar, comme d'habitude, me réclame un massage. L'amour symbolique dit-il... Notre histoire c'est ça : la volupté.

 

Dialogue dans le lit, la nuit tombante.

 

 

 

Tahar :

 

Oui. Tu es triste. Tous les Français sont tristes.


Moi :

 

Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que l’on a plus de dieu. Tout semble se dérober de nos mains, comme si tout était raté, déjà, avant nous, et encore avant nous.

 

Tahar:

 

Raté dès le début ?

 

Tahar :

 

Avant même. La vie comme une erreur, quelque chose qui n’aurait pas dû avoir lieu.

 

Tahar :

 

Oui c’est ça ta tristesse particulière. Le constat d’une vie qui est la succession d’un hasard qui n’aurait pas dû exister. Comme une malchance ?

 

Tahar :

 

Non, pas une malchance. Comme une alchimie qui ne déboucherait sur rien de précieux.

 

Tahar :

 

Cela peut déboucher sur quelque chose de rare ?

 

Moi :

 

Peut-être oui, rare. Rare mais sans être unique, précieux. Comme une erreur, oui. Quelque chose que l’on découvre par hasard comme une erreur.

 

Tahar :

 

Un peu comme nous deux ? Rare, mais sans être unique.



*

 

 

Je suis allé hier dans l'après-midi avec Kimien à l'auto-école pour faire un devis. On m'avait prévenu que cette auto-école était relaxe. La pièce principale est en désordre, deux canapés le long du mur sur lesquel étaient assis deux jeunes noirs. Le patron, un vieil arabe, me semblait parfois même un peu léger. Il a fait le devis sur une page blanche et au bic, après avoir cherché je ne sais combien de documents. Il a fallu que je lui rapelle l'obligation de signer ce devis. Léger donc... Mais cela me convient totalement. Il me faut une structure souple, moi qui ne suis toujours absolument pas motiver à  passer le permis de conduire. Mais comme la pression sociale, à 29 ans, vous imaginez bien,  va croissante, je ne peux plus faire de la résistance.

*

Ce matin le ciel est gris de lin, compact.

*


Cette nuit j'ai rêvé d'un de mes anciens collègues. Très grand, brun, avec quelques légères tâches de rousseur mais presque brunes, sur le visage, ses cheveux souples. Il rentrait dans ma chambre. Mon regard se fixait sur ses lèvres, sa bouche. Il voulait me lécher. Il m'a mangé les fesses.
En réalité, bien que cet homme soit intellectuellement peu à la hauteur de son charme, il possède un charisme incroyable. Naturellement, il devient celui qu'on écoute. Ce qui me frappe le plus, c'est son audace, son bagou.
Il m'avait dit une fois écrire un livre. Et que c'était pour ça qu'il ne lisait pas, du moins qu'il ne lisait jamais et qu'il ne lirait pas, pour ne pas être influencé. Le naïf ! ça m'avait tellement fait rire que je trouvais cela totalement charmant.

*


Hier soir en me couchant je pensais à une phrase du vice-consul de Margurite Duras :


Ce qui reste de vie  ne sert plus qu'à refuser de vivre davantage.


 Cette phrase est tiré du passage dans lequel la mendiante amène un enfant.

"Pourquoi ce périple-là ? Pourquoi ? A-t-elle suivi les oiseaux plutôt qu'une route ? Les anciens passages de caravanse chinoises du thé ? Non. Entre les arbres, sur les berges non plantées, là où la place se trouvait, elle a posé les pieds et elle a marché. (...)

Mais non. Personne ne regarde de son côté. Ah, cette enfant, qu'elle dort ! Dans les cris de la dame, elle se rendort aussi bien que dans le silence d'un chemin. La dame recommence, secoue, crie, verse. Il n'y a rien à faire. L'enfant ne boit pas. Le lait coule sur l'enfant, mais ne rentre pas. Ce qui reste de vie ne sert plus rien qu'à refuser de vivre davantage. Changement. La dame pose la bouteille et regarde attentivement l'enfant qui dort. Les petits Blancs continuent à attendre et à se taire ; ils sont trois maintenant à vouloir la garder. Dieu est de tous les côtés."

 

Le Vice-Consul, P60-61, Marguerite Duras, éd. L'imaginaire Gallimard
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