Regina première

Publié le par Le zôgraphe

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L'étau se resserre. L'horizon se déplace.

Hier, des messagers étaient venus voir la reine.

Elle tremblait tenant dans ses mains la missive qui allait annoncer la bataille.

 

La Terre est calme, préparée à la secousse. Elle apaise les hommes de la guerre.

La mer est douce, étale, encore sans surprise pour le roi- tyran.

 

Au loin, les grands bateaux survolent la mer comme de grands oiseaux gris.

Dans le lointain, l'espoir.

La reine en son palais enfermée frissonne, elle entend déjà dans le silence le clairon qui sonne.

Les serviteurs ont peur ; ils savent être sans destin dans les guerres.

Les enfants du royaume jouent dans les rues. Leur regard  fixe  ce que le ciel devine. Puis, à nouveau,  ils jouent  avec un plus grand empressement car les heures sont arrivées.

 

Le chat  guette au-delà des murs du royaume le mouvement invisible des lumières sur la mer.

 

Dans les yeux de la reine défilent des images.

Le silence du palais est absolu.

 

Puis on entend l'écho de la voix forte du tyran. Cette voix est celle de la peur de la reine. Cette voix qui la fait mourir dans une lenteur sous marine, danse des morts.

 

Rien n'arrive.

 

Le soleil combat les nuages. Des lueurs surgissent et enveloppent les sacs de pluie. On ne sait plus  l'heure qu'il est. On dirait que la pluie illumine la mer. Le feu et l'eau. Une force inconnue jusque-là fait fuir les oiseaux. Il n'y a pas encore de mot pour décrire cette lumière.

Le chat aux yeux de lune semble être une statut sur le tapis royal.

 

La reine se déplace lentement. Elle est au milieu de l'immense salle. Les colonnes de marbre reflètent l' ombre royale.

Le chat observe la reine et guigne toujours au-delà des murs le mouvement de la lumière sur la mer.

 

La reine avance. Puis elle s'immobilise. Elle relève les mains qu'elle porte à ses seins.

Le chat est assis auprès d'elle maintenant dans une pose royale.

 

Qu'ai-je fait ? se demande la reine. Elle ressent la force l'abandonner. Comme elle voudrait mourir ! ce destin qui l'écrase, cette chaleur qui la quitte, la peau qui se tend.

Elle entend qu'on appelle :

-Mère !

- Ô mon fils

-Ne vous inquiétez pas...

- Je vais mourir, prenez-moi dans vos bras ...

- Regardez-moi ma mère, je ne le permettrais pas.

- Je  me sens sans plus aucune forces...

- Mère, ne m'abandonnez pas...

- J'entends le roi qui arrive et le bruit de fer de l'armée royale.

J'entends les pas de la mort et son cliquetis sur les dalle de pierre.

Comment pourrais-je affronter celui qui dicte ma conduite et qui me conduira aujourd'hui en enfer.

- Mère, les bâteaux arrivent. Ce matin un de nos soutiens a vu le mât d'Astyanax déchiré le voile de l'horizon.

Ma mère, je sais votre faiblesse et votre usure, mais vous êtes la reine et devez tenir encore.

- Comment ? le roi arrivera dans la fureur qu'est la sienne dans les moments où  les lois de  son royaume sont contestées et je serais la première à brûler. Regarde à quoi servent les reines : à n'être que l'objet de la toute puissance du roi.

Voilà à quoi je sers mon fils, à justifier cla puissance de mon roi par mon repos éternel.

- Mère, ces temps s'achèvent ! Et le roi devra reculer et retirer de sa main le droit d'occire  quiconque. Ses temps sont révolus!

Je vous le dis et vous en conjure : jouez ce que le destin a décidé pour vous-même.

Faites de ce jour  un jour où le destin se retourne et meurt en lui-même

Et qu'il regagne le ciel

Pour que ce jour soit  éternel et sa mort infinie.

- Je suis la première des femmes de ce royaume

Et regarde dans  leur visage

la peur se lit comme la mienne se lit sur le mien.

Je les ai toutes en moi et ce que je ferai, je le ferai pour elle, en leur nom, mais notre faiblesse est guidée par les siècles

Et que vaut un jour face à mille ans ?

Que vaut une femme face à un homme ?

Que vaut la mort d'un homme

Quand des milliers d'autres se cachent derrière ?

Et que vaut celle d'un roi?

quand mille autres ailleurs règnent ?

Ô mon fils, je sens que mon cœur s'embrase

Tandis que mon corps s'immobilise

La vie ne mérite pas son nom

Puisqu'elle ne recouvre que les morts

Je sens que ma colère est sans énergie

Qu'elle n'est qu'une lueur qu'on dépose à la veillée des morts?

-Mère ...

- Fuis mon fils ! je les entends venir... je ferai ce que je pourrai.

Publié dans Écriture

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J
<br /> <br /> Bienvenue dans la communauaté "Pensées d'ailleurs"<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> je vous remercie de votre accueil ^^<br /> <br /> <br /> <br />